Triste nouvelle pour la musique en général, et pour moi qui était fan, le chanteur soul Isaac Hayes a définitivement rangé ses
instruments, dimanche après-midi (10/08/08), à l’âge de 65 ans. Ce sont des proches de l'artiste qui ont retrouvé ce dernier inconscient près d'un tapis de course où il
s’exerçait. I. Hayes a été transporté dans un hôpital de Memphis où son décès a été constaté.
Eternal Black Moses
Chanteur, compositeur et auteur de chansons qui ont la classe façon Pimp, ce roi de la soul restera une vraie légende du son des années 60 - 70. Musicien phare de la soul music, au même titre que Otis Redding, Aretha Franklin, James Brown ou Curtis Mayfield, il a marqué de son empreinte toute une époque. I'm a soul man... son premier grand succès, co-signé avec David Porter et interprété par Sam&Dave, annonçait d’emblée la couleur. En 1969, son album Hot buttered soul fait de lui une star et un symbole de la cause noire, à une période où l'activisme des Black Panthers battait son plein. Au sommet de son art, Isaac Hayes avait même été surnommé le Black Moses, pour son aptitude à galvaniser les foules, ainsi que pour sa voix noire et profonde de baryton. Une voix que j’ai découvert adolescent, avec ses intonations lourdes, graves et sensuelles, et qui avouons-le, m’a souvent secondé pour jouer les jolis cœurs ("Soulsville", "Do Your Thing"). Aujourd’hui encore, elle continue de résonner pour moi lorsque l’envie de me la jouer revient. (En outre, le trip-hop, Massive Attack et Portishead en tête, s'est largement servi dans son répertoire niveau samples). Bref, Isaac Hayes restera, pour moi c’est certain, cette voix et ce groove uniques et reconnaissables entre milles.
Isaac Hayes et l’écran
La liste de ses compositions musicales pour le cinéma est impressionnante, de
Shaft (film blaxploitation de G. Parks), qui lui valut un Grammy Award en 1971, aux plus récentes telles que Zodiac
(de D. Fincher), Kill Bill, volume 2 (de Q. Tarantino), American Gangsters (de R. Scott), sans oublier une
production française de Akhenaton et Kamel Saleh,dont la B.O me tient particulièrement à cœur : Comme un aimant (avec le titre sombre et envoûtant « Is it
really home ? »). On notera également qu’il fut le premier compositeur Afro-américain à remporter, en 1972, l'Oscar de la meilleure chanson, avec son légendaire «Theme From
Shaft». En un mot, ce géant de la soul a apposé son style langoureux et noir à nombre de bandes sons de qualité. Côté acteur, il fut plutôt mal employé dans les nombreux
et médiocres métrages qu’il tourna, par exemple Truck Turner (de J. Kaplan), Piège fatal (de J. Frankenheimer), Milliardaire malgré lui (de A. Bergman) ou
encore Hustle & Flow (de C. Brewer). Toutefois, ses apparitions dans Sacré Robin des bois ! (de Mel Brooks), où il interprète « A vos souhaits », comme
dans des épisodes oubliés de Deux flics à Miami, de L’Agence tous risques, ou encore de That '70s show, sont encore plus surprenantes.
Autre corde à son arc, Hayes a prêté son magnifique organe, de la fin des années 90 jusqu'en 2006, au personnage de Jerome "Chef" McElroy
dans la série animée South Park ; série qu’il quitta brutalement après qu’un épisode ait tourné en dérision l’Eglise de scientologie à laquelle il appartenait. (Personne
n’est sans parfait.). De lui, on retiendra aussi qu’il fut couronné au Ghana, le 23 juillet 1994, Roi du district d'Ada, en remerciement de son travail et de son aide
humanitaire (Hayes a fait construire au Ghana une institution pédagogique sous la bannière de l'Isaac Hayes Foundation).
Après l’acteur Bernie Mac, (l'un des braqueurs du gang Clooney dans "Ocean's 11/12/13"), c’est donc une autre figure de la culture «black» qui a tiré sa révérence en ce week-end du 10 août. Isaac Hayes laisse derrière lui quatre femmes et douze enfants. Et un Baccawine un peu triste, à qui il ne reste plus guère que Al Green pour se consoler de cette époque révolue. I'm a soul man...