Fiche technique:
• Réalisateur : David Slade
• Interprètes : Patrick Wilson, Ellen Page, Sandra Oh
• Origine : Etats-Unis
• Genre : Thriller
• Durée : 1h43
• Date de sortie : 27 septembre 2006
• Editeur : Metropolitan FilmExport
• Interdit au moins de 16 ans
Voilà un moment que j’entends parler de ce film, et je n’avais toujours pas trouvé le temps de le visionner. Autour de moi, critiques et connaissances étaient pourtant
unanimes : un ovni, le film choc d’une génération, une carence dans ma culture cinématographique, un petit bijou, la naissance d’un nouveau génie… L’affiche du film elle-même augurait une
réussite : le piège à loup ambigu et le mythe du petit chaperon rouge revisité. Bien fichu. Le titre également, Hard Candy, qui renvoie à l’argot d’Internet et désigne une jeune fille
mineure qui participe à des forums de discussion, donnait belle allure à ce projet hautement original. C’est avec toutes ces données en tête que je m’apprêtais à connaitre 1h43 de
plaisir.
Tout d’abord, le film exacerbe à mes yeux tous les défauts inhérents à une première œuvre : une réalisation tape-à-l’œil et finalement gratuite, ainsi que la volonté d’être subversif et dérangeant coûte que coûte, même au détriment de la cohérence du message et de la trame de l’histoire. Il faut préciser qu’il s’agit-là du premier long métrage (2005) de David Slade, qui arrivait tout frais émoulu de l’univers de la pub et du clip [notamment pour Tori Amos (Strange Little Girl)], et cette filiation est présente jusqu’à l’écoeurement dans Hard Candy. La mise en scène, de bout en bout, est ultra-clippesque ; les effets de style se superposent sans résonnance au point que l’on a souvent l’impression d’assister à une très longue pub. Une pub pour Canada Dry (Hard Candy a la couleur et le goût d’un film pertinent, mais ce n’en est pas un). Le rythme est lourd, l’action traîne en longueur, les rebondissements sont prévisibles, parfois je baille et regarde ma montre. Au niveau même du montage, des erreurs et des contradictions (distrayantes) apparaissent. Par exemple, dans les scènes où Jeff est ligoté, on peut remarquer sur sa chemise des auréoles de sueurs dont le diamètre et le positionnement sont variables d’une prise à l’autre. De même, la scène où la voisine étend tranquillement son linge tandis qu’un homme hurle, dans la maison juste à côté, prête à sourire. On pourra également se demander par quel tour de magie une fillette de 14 ans et 45 kilos tout mouillés parvient aussi aisément à soulever et maîtriser un homme en pleine force de l’âge.
Concernant les personnages eux-mêmes, ils apparaissent également peu plausibles. On aura bien du mal à trouver crédible cette jeune fille de 14 ans tant la maturité et l’intelligence de ce petit chaperon rouge castrateur sont surdéveloppées. Quant à la figure du grand méchant loup, le pédophile présumé, elle est creuse et sans relief. Aucune attention n’est véritablement prêtée à la psychologie de ce personnage et l’on regrettera à nouveau cette facilité. Il y avait tant à dire et à montrer sur ce point. Soit, le scénario est original, mais il est truffé d’incohérences et s’avère totalement irréaliste. En outre, les niaiseries ne sont pas évitées et les personnages s’enferment souvent dans un blabla superflu, difficile à supporter pour un huis-clos où la parole est primordiale. Cette accumulation de superficialité finit par être pesante et prétentieuse.
Ensuite, et c’est là l’essentiel, le propos du film est particulièrement discutable. Nous l’avons dit, le projet était riche en promesses : un huis-clos entre un pédophile supposé et sa victime présumée et l’inversion des rôles. [Tel est pris qui croyait prendre, un rouage vieux comme le cinéma mais toujours aussi efficace… (L’Arroseur arrosé – 1895)]. L'inspiration serait nippone ; le producteur, David Higgins, ayant lu certains articles parlant d’ados Japonaises attaquant des hommes qu'elles séduisaient sur Internet. Mais on peut aussi relever que l’héroïne (interprétée par Ellen Page) fait directement allusion à La Jeune fille et la mort (1994) de Roman Polanski, ce qui tend à dévoiler les influences du film. Toutefois, et c’est là que le bât blesse, à trop vouloir faire naître le dilemme (chasseur-chassé) dans l’esprit du spectateur, on se retrouve rapidement avec deux monstres face à face. Hard Candy passe d’un stéréotype à l’autre, d’un préjugé à un autre. La violence, la torture, le meurtre, se voient complaisamment et très immoralement légitimés. Pour tout dire, le réalisateur s’envase petit à petit dans une idéologie malsaine et ne donne pas le sentiment de savoir lui-même quel est précisément le message final de son film. (S’il le sait, c’est encore pire). A ce titre, la copie est extrêmement bâclée sur la fin (conclusion hâtive et moralisante) et n’apporte aucune réponse à nos questions. Aucune zone d’ombre ne se trouve éclairée.
Reste l’interprétation des deux acteurs, celle de Patrick Wilson est plutôt bonne mais celle de Ellen Page (17 ans au moment du tournage) est tout à fait impressionnante, pour empêcher le sucre de se dissoudre totalement dans la soupe. Au final, Hard Candy est un film au potentiel inexploité, un film qui aurait pu être intéressant, mais qui s’avère à mon sens plus nauséeux que subversif. A voir par curiosité.